samedi 1 mai 2010

Novelette 2

L’envol des colombes

L’envol des colombes est interdit à quiconque porte une tiare, il est temps de le dire et je ne supporterai pas que l’on m’interrompe, encore moins qu’on me pose question.
Le temps est venu, oui, le temps est venu de se taire et d’entendre ce que disent les plumes blanches qu’on a vu descendre une à une tandis que vous aviez tête baissée. Marquez-en l’emplacement et ne bougez, soyez attentifs et que le soir finissant recueille votre soupir. Qu’on en finisse avec tiares, couronnes et diamants, tous usurpés et que cessent l’attente et l’imprécation. Lourde charge que je n’ai cessé de porter, de plus en plus lourde à mesure que s’allonge le chemin, sans espoir de renoncement. Fardeau nécessaire et sans raison, faut-il le dire aussi ? En peu de mots, par exemple ceux-ci : À quoi tient la vie, sinon à rien ? Et que chacun veille, en attendant.
Celui qui avait parlé se tut et chacun des hommes assemblés s’effraya du silence qui s’abattit. Sous le poids, certains courbèrent le dos et baissèrent les yeux. L’attente serait longue. Quelques uns pensèrent à répondre et puis y renoncèrent. Le monde entrouvrait ses entrailles, il était temps de douter.
Hommes agenouillés... reprit la voix dans une exclamation qui s’éteignit aussitôt et l’on sentit l’effroi grandir dans la foule. Les hommes assemblés surent alors qu’ils étaient semblables et chacun prit conscience que c’était terrible, mais aussi qu’il suffirait pour échapper au malheur que meure celui qui leur avait parlé, qui avait osé quand tous se taisaient et qu’aucun ne connaissait.
Pourquoi ? murmura l’un d’eux à voix basse. Et son voisin répondit : Regarde nos mains. Hommes de peine nous sommes tous. Nos mains de misérables contiennent toute la vie du monde. Mains qui savent étreindre et caresser aussi bien qu’étouffer, mais qui savent aussi semer et récolter, nul seigneur n’en ferait autant.
Reprenons, dit un autre et levons la tête. On entendit en écho quelque part : C’est assez veillé en effet ! Nulle force en dehors de nous, c’est assez de mourir.
Le vent se leva, déchirant la nuée. D’un même mouvement, ils regardèrent le ciel qui était calme et vide et ils se mirent en marche.
De l’autre côté du fleuve, était une forêt dans laquelle ils entrèrent, ce qu’aucun homme avant eux n’avait fait.
Ne sommes-nous pas ici chez nous, dit celui qui y était entré le premier, mais cela fit peur et, en silence, quelques uns s’éloignèrent, profitant de l’ombre du couvert pour gagner la lisière proche où ils décidèrent de faire seuls leur chemin. On ne les revit jamais.

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