mercredi 31 mars 2010
les boutons de la T.V.
lundi 22 mars 2010
Trouver le ton
dimanche 21 mars 2010
Sortir du cercle
samedi 20 mars 2010
une définition de la vieillesse
vendredi 19 mars 2010
mercredi 17 mars 2010
Pérou
Les escaliers d’Ollentaitambo
L’insomnie s’est faite malgré moi. Je l’ai aimée comme ces hauts monts émergés de la brume tôt le matin. Le matin, sans dormir - dormirai-je bientôt ? - est-il nécessaire que je dorme, maintenant que j’aime cette veille si tard venue ?
Lima, Pérou, ce soir on m’a parlé de vous. Et moi, je voudrais vous parler d’Ica, d’Arequipa, Ayacucho et aussi de Cuzco et de l’Urubamba, du petit train tortueux plein de poulets qui suivent leurs Indiens, d’un conducteur qui me ressemble, de touristes qui ne ressemblent à rien, à moi si vous voulez mais je ne voudrais pas. Pourquoi partir et surtout pourquoi ne pas rester ? Un jour, vraiment, je ferai le compte de tout ce que de ce que j’aurais dû faire, que je n’ai pas fait, pourquoi ?
Loufiat sidéral, infrangible tumulte, c’est ce que je leur ai dit. Sans rire, mais ils ont ri et j’en ai été heureux,gardant pour moi le tumulte boueux du fleuve filant vers l’Amazone – mais que faisais-je en ce lieu ?
Ô pourquoi n’as-tu pas davantage d’imagination, toi qui ne sais voir que ce qui est, et bien peu à la fois ? À moi les mots que j’attends, les mots qui me feront, les phrases qui me surprendront.
Trève. Je t’en prie, ne parle plus, tu ne sais rien. La vie, peut-être, tant qu’un peu d’air traversera ta bouche, tes poumons, ne jamais mourir noyé ni repu.
Trêve encore, je ne suis pas ennuyé, impatient encore, juste comme je le voulais.
Longuement s’arrêter, longuement, laissez-moi me reposer, je ne retournerai jamais à Ollentaitambo. Je ne ferai que revenir à l’endroit où je suis né pour le quitter encore une fois encore vers le pays où je finirai, où je serai attendu, du moins, je le crois, depuis que je sais comment les choses se font, les petites choses qui me font moi et pas un autre, moi unique et infime, mais unique auquel je me suis habitué. Pour goûter une paix convenue à partager.`
Le fleuve Urubamba, terrifiant de fureur et ses oiseaux inconnus, perchés sur des rochers émergés, arbres, inattendus, mousses, lichens ses mousses et ses lichens suspendus comme des fleurs de rocher, le tropique tout proche, que je ne verrai pas.
Cuzco, nombril du monde, que j’ai vu, dans lequel je suis entré, pas besoin de long temps pour aimer mais il faudrait comprendre.
Ollentaitambo, dont je me souviens.
Dernier combat, où le dernier Inca fut égorgé, forteresse abolie, escaliers de sang sur lesquels nous sommes tous morts.
Ô Conquistadores. Qu’avez-vous fait ?
Lacunes grammaticales
mardi 16 mars 2010
Pêche en l'étang de Bon Rencontre
dimanche 14 mars 2010
Une chute
Il y aura
Il y aura
Il y aura Delphes,
Les oliviers que j’ai vus,
Léonidas entre les colonnes du temple,
Une photo de l’ami que j’ai perdu,
Il y aura cette fuite éperdue
Vers l’Orient inévitable,
Saint Jean d’Acre et Salah ed Din, le guerrier sage,
Ensemble nous abattrons la citadelle,
Sous la tente on apportera
Le sorbet à la glace du Mont Liban
Et, fuyant le Saint Sépulcre,
Effroyable malentendu,
Nous soulèverons la poussière de la steppe.
Il y aura Samarcande et ses céréramiques bleues,
Le pilote en guenilles d’une felouque
Et cet enfant qui remonte le courant du fleuve
Ramant de ses mains dans une caisse
Devant Edfou pour quelqu’aumône,
Une multitude d’êtres humains
Sortant de sommeils millénaires
qui me reconnaîtront pour un des leurs.
Il y aura Don Quichotte en son implacable Castille,
Source de notre parole
Et puis la mer Egée sans aucun nautonier,
Ulysse dérivant vers Ithaque sans voile,
Rien qu’Irène Papas dans sa robe de deuil
Blanche.
Il y aura un enfant penché
Au-dessus d’un pont sur la Loire
Cherchant le souvenir d’une ombre passante
Et d’autres eaux encore, plus pures et plus noires
Il y aura la Pointe du Raz, toujours imaginée,
Tout un hiver de tempête désolant les pêcheurs
Attendant que le vent cesse,
Une île battue d’écume et de mort.
Il y aura la gloire des jardins au printemps,
Quelques aquarelles
Et la Sainte Victoire qu’on voit depuis
L’aire stationnement d’Aix-Ouest,
Le Grand rocher rouge et La route de Sommières
Tels qu’ils les ont vus l’un et l’autre.
Il y aura toutes les femmes
Que je n’ai pas su aimer
Quand elles s’offraient
Et les enfants auxquels je n’ai pas su parler.
Il y aura un très vieil homme
Qui m’a parlé d’au-delà
Un jour que j’étais comme lui très vieux
Et très vivant
Et nous avons secoué tendrement des morts
Qui, l’un après l’autre hochaient la tête
En souriant tristement, lèvres closes,
Sachant qu’ils entendaient tout
Ce que nous disions.
jeudi 11 mars 2010
Poésie, une définition
Ça, de la poésie ?
PLAGE
Ce sont deux enfants. Ils marchent sur le sable qui longe la mer, si calme aujourd’hui et chacun veille à marcher du même pas que l’autre, jambe contre jambe, pour éprouver plus charnellement le plaisir d’être ensemble.
C’est la morte saison et ils sont seuls. Seuls et amoureux.
Elle est plus petite que lui et tout en marchant il garde sans effort sa tête à elle au creux de son épaule. Il parle et elle l’écoute. Elle répond et il comprend tout ce qu’elle dit. Ils s’entendent.
Ce qui leur est arrivé leur paraît à la fois si beau et si naturel qu’ils prennent ça pour un dû, quelque chose à quoi ils avaient droit et qui ne leur avait été refusé jusqu’alors que pour une raison obscure mais assurément injuste, trop injuste. Quelque chose de raisonnable, tout simplement.
Ils ne garderont aucun souvenir de ce qu’ils disaient ce jour-là, mais seulement celui du bruit de la vague lointaine et mourante, de la douceur infinie de l’air, de son silence inhabité.
Ont-ils au moins quelque projet d’avenir, ou bien l’intimité de cet instant limité leur suffit-elle ? Ont-ils même besoin d’imaginer quoi que ce soit, puisque le présent est toute leur vie, ce qu’ils savent bien ? De toute leur force, ils sont attentifs à sculpter ce présent dont ils sont le fruit autant que le modèle, à lui donner forme palpable et douceur tangible.
Quel âge ont-ils ? Quinze ans, vingt ans, Quarante, soixante ? Cela n’a pas de sens, plus de sens.
Ils ne reviendront jamais ici ensemble mais aujourd’hui, ils ne le savent pas. Ils n’ont fait que se chercher avec application, se trouver, et c’était pour venir marcher sur cette plage, pour vivre cet instant.
Un poète
lundi 8 mars 2010
La mémoire et l'Histoire
jeudi 4 mars 2010
Rubenstein
mercredi 3 mars 2010
Patates
Hérédia
Moissons
Un long cheminement noir barre d’un trait le chemin de poussière.
A la fin du printemps, le grain des graminées est mûr et fragile à la fois. La dernière averse d’orage et le coup de vent du nord qui l’a brutalement chassée ont précipité au sol les enveloppes sèches de la folle avoine. Quelques jours encore et tout sera piétiné, dissous, englouti dans l’humus renouvelé de la prairie. Les fourmis le savent, elles n’ont attendu que la pointe du jour pour ouvrir le grand chantier de l’année. Hier pourtant, passant ici, on n’y avait vu personne.
L’oeil qui d’abord se perdait dans un grouillement infinitésimal a bientôt reconnu deux colonnes distinctes, l’une qui se hâte vers les granges souterraines et l’autre qui part aux champs. De minuscules arrêts interrompent régulièrement la marche pressée de chaque insecte, le temps d’un mystérieux échange avec celui qui s’avance vers lui, du même pas. Le cheminement se trouve ainsi constamment haché et dévié, sans que pour autant, vue d’en haut, la ligne noire de l’armée perde rien de sa rectitude. La charge qu’on croit énorme pour chacun, et longue jusqu’à la démesure, semble ne jamais peser. Brandie au-dessus des têtes, elle avance continûment comme si c’était elle qui entraînait le petit grain noir.
Le passant a choisi l’un de ceux-ci pour la taille particulièrement remarquable de l’épillet qu’il traîne, prêt à rire des efforts qu’il devra faire au moment de se glisser dans le minuscule orifice où la foule se presse. De fait, quelques pas malhabiles trahissent un certain embarras et déjà l’on s’amuse, le temps de comprendre que c’est à reculons que l’insecte a choisi de descendre l’invisible escalier, tandis que la pointe de l’oriflamme herbacé s’agite une dernière fois à l’air libre.
Autour du gros pied de mauve qui abrite l’entrée du souterrain, le piétinement des moissonneuses a visiblement tassé le sol, mais le long chemin qui en sort s’efface lentement à mesure qu’on s’éloigne avant de se dissoudre dans l’infinité de la prairie, comme on voit, en survolant un plateau désertique s’effacer bientôt dans les sables environnants le fin réseau de routes qui sort de la ville. Il ne reste qu’à choisir, laisser la pensée s’égarer en une interminable et dérisoire comparaison, ou bien, du haut du regard, admirer librement le suintement léger des légions en marche.