mercredi 31 mars 2010

les boutons de la T.V.

Quelques boutons suffisent pour alimenter les discussions, les débats et pour fournir toutes les informations souhaitables dans un domaine particulier. Le fabricant de programmes n'a qu'à appuyer sur le bon bouton et, par chance pour lui, ces boutons sont peu nombreux.
C'est ainsi que, pendant longtemps, si l'on voulait parler "volcans", il suffisait de cliquer sur "Haroun Tazieff". Planqué, sans doute derrière un meuble du studio, l'homme de l'art apparaissait aussitôt et délivrait son message. Et puis, ce qui devait arriver est arrivé : Haroun  est mort. On ne parle plus "volcans" à la télé.
Un conseil de cuisine ? Rien de plus facile, on appuie sur Coffe et tac, le gros joufflu arrive aussi sec. (Il a dû faire la peau dans les coulisses à la grosse Maïté; on aura remarqué que l'embonpoint est un signe extérieur de sérieux en ce domaine.
Le bouton "Coffe" est d'ailleurs plus performant qu'il y paraissait au premier abord : vous tapez "jardin" et c'est encore lui qui apparaît. Il suffit de changer la couleur des lunettes, grosses elles aussi.
Depuis quelque temps - et ce n'était pas du luxe, étant donné le contexte - un nouveau bouton est apparu pour faire le point sur tout problème de délinquance, justice,etc. Il s'appelle Bilger. On dit que c'est un magistrat important et l'on ne sait pas trop comment il peut être, si l'on ose dire, juge et partie, quoiqu'il en soit, le voici promu au rang de Coffe des tribunaux. C'est de ce poste (sûrement élevé) qu'il a pu constater que les arabes et les noirs délinquent beaucoup plus souvent que les Blancs (je mets une majuscule à tout hasard), ce qu'avait déjà signalé, malgré sa taille surbaissée,  le "petit"  Zemmour, lequel attend encore -mais pas pour longtemps - sa promotion de premier Bouton.

lundi 22 mars 2010

Trouver le ton

Ecrire. Les premiers mots sont tombés sur le papier. Ils sonnent juste. Il ne reste qu'à continuer. À la première relecture, pourtant, la déception s'impose. Cela ne vaut rien.Il faut recommencer. On réécrit. Le lendemain, la déception sera tout aussi forte et l'on effacera ce qu'on avait fait, , sauf la toute première phrase, "qui tient". Les réécritures vont se succéder - il faut dire que c'est toujours un moment agréable - mais le texte, tel un âne têtu (j'aime beaucoup les ânes), refuse d'avancer. Ou alors, il prend des chemins de traverse, s'égare, recule, revient, s'arrête pour grignoter quelques chardons, consent à repartir sous le coup de badine et finalement se plante sur ses quatre sabots. Franc comme un âne qui recule ! Non, je n'irai pas plus loin aujourd'hui ! M'enfin ? Tu veux encore un coup de badine sur la croix noire de ton échine ? Souviens-toi, pourtant...
Voilà une semaine, deux, que l'on a commencé ce texte ? Mais, non, c'était l'été dernier, et ça partait bien, je me souviens que tu étais plein d'entrain et plein de confiance. Je t'avais même trouvé un peu trop sûr de toi. Je t'en prie, reprenons-nous. Reprenons ce texte, dont on sait déjà qu'il sera important ans ta vie. C'est l'histoire de Jean B., ce vieux copain qui eut un destin fabuleux, parfaitement imprévisible, qui parcourut le monde sans l'avoir voulu, accumula les plus étonnants souvenirs et puis , plein d'âge et de raison, revint entre ses parents vivre le reste de son âge. Je lui avais promis de l'écrire, je crois qu'il en avait été heureux. Pauvre Jean !
Moi qui ai tellement envié la vie qu'il avait eue (ça, ce n'est peut-être qu'un mensonge, parce que sa vie fut parfois horrible), me voici incapable d'aligner cinq paragraphes convenables.
J'en aurais honte, je serais découragé, j'irais plutôt me promener, aller à la pêche et je renoncerais volontiers à un projet si ambitieux qu'il me dépasse, si...
Si je ne me souvenais de cette réflexion de Julien Gracq qui abandonna son roman La route, en cours d'écriture parce qu'il estima n'avoir jamais trouvé le ton qui lui aurait permis d'aller plus loin.
Moralité : regardons de plus près ce qu'ont fait les autres. Tout écrivain n'est -dans le meilleur des cas - que celui qui s'est trouvé des ancêtres, au besoin parmi ses contemporains.
Alors, lisons !

dimanche 21 mars 2010

Sortir du cercle

Ce n'est pas un hasard si les planètes se meuvent en cercle, et si la pierre qui s'en détache s'en éloigne inexorablement, emportée par la force centrifuge. Pareil à la météorite arrachée à une planète, je suis sorti du cercle, et aujourd'hui encore, je n'en finis pas de tomber. Il y a des gens auxquels il est donné de mourir dans le tournoiement et il y en a d'autres qui s'écrasent au terme de la chute. Et ces autres (dont je suis), gardent toujours en eux comme une timide nostalgie de la ronde perdue, parce que nous sommes tous les habitants d'un univers où toute chose tourne en cercle.

M.Kundera "Le livre du rire et de l'oubli" éd.folio

samedi 20 mars 2010

une définition de la vieillesse

Cet homme a égorgé des poulets, saigné, puis dépouillé des lapins, cassé les reins de maintes truites, noyé des chatons, il lui est même arrivé d'en fracasser sur le bout de sa chaussure.
Tout cela sans trop d'émotion, simplement parce qu'il fallait le faire.
Aujourd'hui qu'il est vieux, il lui arrive de ramasser un escargot perdu sur le goudron pour aller le remettre dans la pelouse la plus proche. Manger du lapin ou du poisson le met mal à l'aise et si son chemin croise celui d'une file de fourmis, il se garde d'en écraser quelqu'une. Il va consoler le chien que ses maîtres ont attaché pour la journée et qui pleure. Le chien le remercie.

N.B. je ne dis pas que ce soit LA définition de la vieillesse. C'en est UNE , sans plus.

vendredi 19 mars 2010

Sérénité ?

Vient un moment où l'on n'a plus d'autre choix que la sagesse. Ce qui n'est pas naturel.

mercredi 17 mars 2010

Pérou

Les escaliers d’Ollentaitambo

L’insomnie s’est faite malgré moi. Je l’ai aimée comme ces hauts monts émergés de la brume tôt le matin. Le matin, sans dormir - dormirai-je bientôt ? - est-il nécessaire que je dorme, maintenant que j’aime cette veille si tard venue ?

Lima, Pérou, ce soir on m’a parlé de vous. Et moi, je voudrais vous parler d’Ica, d’Arequipa, Ayacucho et aussi de Cuzco et de l’Urubamba, du petit train tortueux plein de poulets qui suivent leurs Indiens, d’un conducteur qui me ressemble, de touristes qui ne ressemblent à rien, à moi si vous voulez mais je ne voudrais pas. Pourquoi partir et surtout pourquoi ne pas rester ? Un jour, vraiment, je ferai le compte de tout ce que de ce que j’aurais dû faire, que je n’ai pas fait, pourquoi ?

Loufiat sidéral, infrangible tumulte, c’est ce que je leur ai dit. Sans rire, mais ils ont ri et j’en ai été heureux,gardant pour moi le tumulte boueux du fleuve filant vers l’Amazone – mais que faisais-je en ce lieu ?

Ô pourquoi n’as-tu pas davantage d’imagination, toi qui ne sais voir que ce qui est, et bien peu à la fois ? À moi les mots que j’attends, les mots qui me feront, les phrases qui me surprendront.

Trève. Je t’en prie, ne parle plus, tu ne sais rien. La vie, peut-être, tant qu’un peu d’air traversera ta bouche, tes poumons, ne jamais mourir noyé ni repu.

Trêve encore, je ne suis pas ennuyé, impatient encore, juste comme je le voulais.

Longuement s’arrêter, longuement, laissez-moi me reposer, je ne retournerai jamais à Ollentaitambo. Je ne ferai que revenir à l’endroit où je suis né pour le quitter encore une fois encore vers le pays où je finirai, où je serai attendu, du moins, je le crois, depuis que je sais comment les choses se font, les petites choses qui me font moi et pas un autre, moi unique et infime, mais unique auquel je me suis habitué. Pour goûter une paix convenue à partager.`

Le fleuve Urubamba, terrifiant de fureur et ses oiseaux inconnus, perchés sur des rochers émergés, arbres, inattendus, mousses, lichens ses mousses et ses lichens suspendus comme des fleurs de rocher, le tropique tout proche, que je ne verrai pas.

Cuzco, nombril du monde, que j’ai vu, dans lequel je suis entré, pas besoin de long temps pour aimer mais il faudrait comprendre.

Ollentaitambo, dont je me souviens.

Dernier combat, où le dernier Inca fut égorgé, forteresse abolie, escaliers de sang sur lesquels nous sommes tous morts.

Ô Conquistadores. Qu’avez-vous fait ?

Lacunes grammaticales

Je ne veux pas parler des lacunes que nous avons tous, mais de celles de notre grammaire française elle-même.
La première : l'absence du "neutre" , qui limite gravement le nombre de nos genres à deux : masculin, féminin. Certes, ce sont les principaux et l'on ne saurait faire sans eux, mais quand je vois les contorsions, ridicules et souvent douloureuses auxquelles on s'astreint pour parler d'une auteure ou écrivaine, je regrette le neutre allemand : das, aussi bien, et souvent mieux que der ou die. Cette féminisation militante ne me paraît en effet pas moins offensante pour notre vieille langue que ne l'est la non-reconnaissance du rôle des femmes dans la société. Je vois là comme un faux débat, une petite querelle masquant un vrai combat.
Second manque : celui d'une forme progressive à l'anglaise: I'm coming que les profs de collège traduisent par "je suis en train d'arriver", ce qui nous vaut en retour cette formule qui fkleurit depuis quelques temps chez les présentateurs de télévision : Les digues de Vendée sont en train d'être reconstruites plutôt que "les digues sont en cours de reconstruction" ou bien ce savoureux : "les travaux sont en train d'être arrêtés".
N'oublions pas que les voix qui sortent de la boite et les mots qui se lisent sur les enseignes sont les instituteurs tout-puissants de notre époque.

mardi 16 mars 2010

Pêche en l'étang de Bon Rencontre

Quoi de plus beau, de plus calme, que la surface d'un étang sous le voile d'une légère brume matinale ? Nénuphars, typhas, roseaux, longues herbes noyées. Un martin-pêcheur parfois, entr'aperçu, qui file au ras-de-l'eau.
Et qui de plus paisible que le pêcheur qui vient d'amarrer son bateau à deux mètres du bord, refusant toute velléité de départ, toute dérive, n'attendant d'autre surprise que celles venant du fond de l'étang., qui fleuriront ce soir le fond d'un panier d'osier.
Ici, point de bottes guerrières grimpant à mi-jambe, de mouches artificielles, de moulinets savants. La pêche en étang est simple. Et plutôt reposante. On n'y poursuit aucun gibier, aucune proie. L'infime ver de mouche ou un grain de blé cuit suffisent à garnir l'hameçon. Toute la science du pêcheur se borne à ménager une longueur de fil telle que l'appât se trouve à portée de la bouche du poisson. En surface, si l'on veut une ablette, à mi-profondeur si l'on préfère le gardon, tout au fond du lit de la rivière si l'on espère une carpe ou une brême, rudes combattants à la chair par trop médiocre.
La plume s'incline à peine, le poisson ne fait que goûter du bout des lèvres, suce à peine le ver, c'est une ablette seule. Elle n'a voulu que visiter votre profil sur l'écran lumineux du ciel. Reviendra-t-elle ? Rien de sûr. Huit jours plus tard, peut-être. Peut-être jamais. Il n'est pas nécessaire de répondre. Patienter. Voir venir. Au moment de la Saint Valentin, les ablettes reviendront en foule, suceront le ver à tour de rôle, puis repartiront comme autant d'éclairs argentés, du moins l'imagine-t-on. Et ce sera le désert jusqu'à la fête des grands-mères.
Il ne se sera rien passé.
Mais cette fois, l'attaque est franche, nette, la plume s'est enfoncée de vingt centimètres sous l'eau sans qu'on n'ait rien vu venir. C'est un gardon qui, honnêtement, clairement, avoue avoir flashé sur votre grain de blé cuit. Il faut lui répondre. Bon poisson, bon compagnon, bonne friture. La politesse est de le ferrer vivement, promptement. Pour le voir de plus près. L'avenir fera le reste.
La pêche s'arrête à midi. Les poissons font la sieste. Du fond de la barque où il somnole, le pêcheur entend les bulles venant du fond des eaux qui éclatent doucement à la surface. Il entr'aperçoit le vol erratique de la libellule bleue et celui, furtif et vigoureux du pipit farlouse, partant se perdre dans la roselière.
La vie reprendra en fin d'après-midi et ce sera un grand moment lorsque l'on verra la plume s'enfoncer et fuir loin , très loin du bateau. Petite ou grosse, sûre d'elle, vaillante, la carpe attaque toujours de la même façon. Gourmande, elle a engamé puis avalé définitivement le ver ou le grain et parcouru d'infinies et lointaines circonvolutions pour fuir l'homme, avant de reconnaître sa défaite. Prudent, attentif - respectueux, pourrait-on dire - il convient que l'homme accorde à sa prisonnière toute la longueur de fil nécessaire, sachant que toute précipitation, toute violence ne conduirait qu'à briser le fil qui les unit : risque mortel pour l'une, regret inguérissable pour l'autre. Jusqu'à ce que, fatiguée, vaincue par son propre désir, la carpe consente enfin à revenir près de la barque. Le pêcheur la couchera alors dans l'épuisette et, lentement, tendrement, il travaillera à retirer l'hameçon. Selon l'adresse et la patience qu'il y mettra, ce sera la mort ou une autre vie qui commencera.


dimanche 14 mars 2010

Une chute

Le mot est tombé. Je l'ai entendu tomber et atteindre le fond d'un trou qui était en moi, que j'ignorais. Cela fut à la fois soudain et bruyant, bien que je n'aie entendu que le choc final, quand le mot eut touché le fond.
D'ordinaire, la pierre que le passant s'amuse à jeter dans l'anfractuosité d'une faille en montagne ne file pas droit, elle rebondit sur une première saillie du rocher, puis sur une autre, avec un bruit sourd à chaque fois, si bien que l'on pourrait dessiner sa trajectoire à l'oreille. Trajectoire et profondeur de la chute.
Là, ce fut direct. Profond, cependant. Aussi direct que profond.
Seul. Rester seul, avoir peur d'être seul, peu importe ce qu'on m'a dit. Je ne m'attendais à rien, c'est tout. Ce mot, je le connaissais, pour l'avoir vu passer, de loin, s'adressant à quelque inconnu, jamais à moi. Autant dire que je ne le connaissais pas, non plus que l'univers qui l'entoure et le justifie. Solitude.
Je n'avais jamais eu peur, me semblait-il, de la solitude et voilà qu'en un instant si court qu'on n'aurait pu le mesurer, le mot avait traversé mes profondeurs les plus intimes. Tout de suite, le bruit, la résonance me parurent être d'une extrême importance, mais tout comme la pierre au fond de la faille, ma pensée s'est arrêtée net. Sèchement, sans provoquer le moindre écho. Ce serait donc pour plus tard. Sur l'instant, il ne fallait retenir que le vertige de cette chute et la surprise absolue qui en avait résulté.

Il y aura

Il y aura

Il y aura Delphes,

Les oliviers que j’ai vus,

Léonidas entre les colonnes du temple,

Une photo de l’ami que j’ai perdu,

Il y aura cette fuite éperdue

Vers l’Orient inévitable,

Saint Jean d’Acre et Salah ed Din, le guerrier sage,

Ensemble nous abattrons la citadelle,

Sous la tente on apportera

Le sorbet à la glace du Mont Liban

Et, fuyant le Saint Sépulcre,

Effroyable malentendu,

Nous soulèverons la poussière de la steppe.

Il y aura Samarcande et ses céréramiques bleues,

Le pilote en guenilles d’une felouque

Et cet enfant qui remonte le courant du fleuve

Ramant de ses mains dans une caisse

Devant Edfou pour quelqu’aumône,

Une multitude d’êtres humains

Sortant de sommeils millénaires

qui me reconnaîtront pour un des leurs.

Il y aura Don Quichotte en son implacable Castille,

Source de notre parole

Et puis la mer Egée sans aucun nautonier,

Ulysse dérivant vers Ithaque sans voile,

Rien qu’Irène Papas dans sa robe de deuil

Blanche.

Il y aura un enfant penché

Au-dessus d’un pont sur la Loire

Cherchant le souvenir d’une ombre passante

Et d’autres eaux encore, plus pures et plus noires

Il y aura la Pointe du Raz, toujours imaginée,

Tout un hiver de tempête désolant les pêcheurs

Attendant que le vent cesse,

Une île battue d’écume et de mort.

Il y aura la gloire des jardins au printemps,

Quelques aquarelles

Et la Sainte Victoire qu’on voit depuis

L’aire stationnement d’Aix-Ouest,

Le Grand rocher rouge et La route de Sommières

Tels qu’ils les ont vus l’un et l’autre.

Il y aura toutes les femmes

Que je n’ai pas su aimer

Quand elles s’offraient

Et les enfants auxquels je n’ai pas su parler.

Il y aura un très vieil homme

Qui m’a parlé d’au-delà

Un jour que j’étais comme lui très vieux

Et très vivant

Et nous avons secoué tendrement des morts

Qui, l’un après l’autre hochaient la tête

En souriant tristement, lèvres closes,

Sachant qu’ils entendaient tout

Ce que nous disions.

jeudi 11 mars 2010

Poésie, une définition

Je crois la trouver dans ces quelques lignes de Claude Esteban (1935-2006).  :

"Ce n'était rien pourtant qu'un fragile tissu de mots, de mots précaires -mais ils ne cédaient plus sous la poussée des autres mots de chaque jour. Quelque chose vibrait en eux, s'accroissait, s'animait de présence, comme s'ils s'étaient nourris en moi d'une sève secrète, d'une chair très profonde que je ne connaissais pas". 
Et, plus loin :
"Ce lieu hors de tout lieu".
(écrit en 1959, propos rapportés par r Thierry Guichard dans "Le matricule des anges"n°73 mai 2006).

Ça, de la poésie ?

 

PLAGE

 

 

 

 

Ce sont deux enfants. Ils marchent sur le sable qui longe la mer, si calme aujourd’hui et chacun veille à marcher du même pas que l’autre, jambe contre jambe, pour éprouver plus charnellement le plaisir d’être ensemble.

C’est la morte saison et ils sont seuls. Seuls et amoureux.

Elle est plus petite que lui et tout en marchant il garde sans effort sa tête à elle au creux de son épaule. Il parle et elle l’écoute. Elle répond et il comprend tout ce qu’elle dit. Ils s’entendent.

Ce qui leur est arrivé leur paraît à la fois si beau et si naturel qu’ils prennent ça pour un dû, quelque chose à quoi ils avaient droit et qui ne leur avait été refusé jusqu’alors que pour une raison obscure mais assurément injuste, trop injuste. Quelque chose de raisonnable, tout simplement.

Ils ne garderont aucun souvenir de ce qu’ils disaient ce jour-là, mais seulement celui du bruit de la vague lointaine et mourante, de la douceur infinie de l’air, de son silence inhabité.

Ont-ils au moins quelque projet d’avenir, ou bien l’intimité de cet instant limité leur suffit-elle ? Ont-ils même besoin d’imaginer quoi que ce soit, puisque le présent est toute leur vie, ce qu’ils savent bien ? De toute leur force, ils sont attentifs à sculpter ce présent dont ils sont  le fruit autant que le modèle, à lui donner forme palpable et douceur tangible.

Quel âge ont-ils ? Quinze ans, vingt ans, Quarante, soixante ? Cela n’a pas de sens, plus de sens.

Ils ne reviendront jamais ici ensemble mais aujourd’hui, ils ne le savent pas. Ils n’ont fait que se chercher avec application, se trouver, et c’était pour venir marcher sur cette plage, pour vivre cet instant.

 

 

 

 

Un poète

 Tout petit écrivain (écrivaillon ?) que le sois, je suis bien conscient que la poésie est la forme la plus élaborée de l'écriture, malgré les limites qui sont les miennes en ce domaine : je me sensen effet  plus proche de Villon, de La Fontaine, de Rimbaud, Desnos, Aragon (parfois) et même de Charles Trenet (mais oui) que de ces "Grands poètes" que sont réputés être P.Claudel, René Char et Saint John Perse.
 Fort de ces précautions oratoires, je vais maintenant, sans autre précaution, vous dire, après Laurent Binet (auteur de "HHhH") que je tiens Monsieur Alexis Léger (alias St John Perse) pour un fieffé salaud.  Je sais bien que l'esprit diplomatique, tout comme l'esprit militaire, n'est qu'une perversion de l'esprit humain, mais tout de même...Poète et salaud ?..
Voici ce que rapporte à son sujet L.Binet.
"Alexis Léger accompagne Daladier à Munich en tant que secrétaire général du Quai d'Orsay. Pacifiste jusqu'auboutiste, il a oeuvré sans relâche pour convaincre le président du Conseil français de céder à toutes les exigences allemandes. Il est présent quand on fait entrer les représentants tchèques afin de les informer de leur sort, douze heures après la signature de l'accord décidé sans eux.
Hitler et Mussolini sont déjà partis, Chamberlain baille ostensiblement et Daladier dissimule mal sa nervosité derrière une hauteur embarrassée. Lorsque les Tchèques anéantis demandent si on attend de leur gouvernement une réponse ou une déclaration quelconque, il est possible que ce soit la honte qui lui ôte la parole (que ne l'a-t-elle étouffé, lui et les autres !). C'est donc son collaborateur qui se charge de répondre avec une arrogance et une désinvolture que le ministre tchèque des Affaires étrangères, a commentées par la suite d'une remarque laconique sur laquelle nous devrions tous méditer :"C'est un Français".
...
"Aux portes de son hôtel à Munich, un journaliste l'interroge :
-Mais enfin, Monsieur l'Ambassadeur, c'est quand même un soulagement, non ?
Silence. Puis le secrétaire du Quai d'Orsay soupire :
-Ah oui, un soulagement...comme lorsqu'on a fait dans sa culotte"
Je n'irai pas jusqu'à dire que la poésie de ce monsieur sent la merde, puisque que je me sens dans le même temps obligé de respecter MALGRE TOUT L.F. Céline, mais avouez que cela pose problème. L'un comme l'autre ont envoyé quantité de gens à la mort et ils ont pourri l'adolescence d'un ado qui portait mon nom, alors, que ce soit excessive  rigueur ou fermeture d'esprit, j'ai du mal avec ces gens-là, d'autant que je demeure convaincu qu'on ne peut pas écrire sans se sentir tant soit peu responsable de ce qu'on dit.
Amis, qu'en pensez-vous ? Dites-moi...




Vous me direz que L.F. Céline, qui mérite toute notre admiration, s'est conduit, lui aussi, mutatis mutandis, "comme une grosse merde" et même pire encore.

lundi 8 mars 2010

La mémoire et l'Histoire

   La rafle du Vél. d'hiv (16 juillet 1942) permit à la Police française d'arrêter, (à elle seule !) et en une matinée, 13 000 des 25 000 Juifs de Paris pour les "remettre" aux Allemands. (Il en manquait hélas 12000 que de mauvais Français avaient eu le temps de prévenir).
Bref.
L'ancien président Jacques Chirac qui eut le mérite de revenir en 1995 sur le drame pour exprimer "notre honte", commente dans le JDD du 7 mars :
"La mémoire permet d'éclairer l'avenir"
On pourrait  ajouter :" surtout quand elle projette sa lumière dans les trous noirs".

jeudi 4 mars 2010

Rubenstein

J'avais le souvenir d'un personnage gai, un tantinet cabotin, mais l'image de son  visage  blême, laiteux et parfaitement impassible, ne parvient pas à s'effacer.

mercredi 3 mars 2010

Patates

Y a de l'OGM dans les pommes de terre .
Bigre !
José Bové s'indigne. Naturellement. Et le cameraman qui se trouve justement là. 
Bové nous explique que ça va contaminer (sic) les sols.
Bon. Rameutons nos souvenirs.
La modification génétique, c'est bien le résultat de quelque chose qu'on introduit dans un gêne, ou un gêne qu'on tripote ?
C'est donc  une histoire de spermatozoïdes et/ou d'ovule ? Bref, de reproduction sexuée.
Les patates, de leur côté -enfin, c'est ce que croyais - c'est un tubercule, une sorte de tige souterraine, quoi, qui ne porte pas de fleur, donc pas de gamètes , vous me suivez ?
Alors, qu'est-ce qui va se passer ? On va voir des tubercules copuler sous terre et c'est ça qui va contaminer le sol ?
Attendons-nous au pire.
Monsieur Bové, expliquez-moi, vous qui savez tout, sinon, je ne voterai plus jamais pour vous. Ah! Mais !

Hérédia

 

 

 

Moissons

 

 

Un long cheminement noir barre d’un trait le chemin de poussière.

 A la fin du printemps, le grain des graminées est mûr et fragile à la fois. La dernière averse d’orage et le coup de vent du nord qui l’a brutalement chassée ont précipité au sol les enveloppes sèches de la folle avoine. Quelques jours encore et tout sera piétiné, dissous, englouti  dans l’humus renouvelé de la prairie. Les fourmis le savent, elles n’ont attendu que la pointe du jour pour ouvrir le grand chantier de l’année. Hier pourtant, passant ici, on n’y avait vu personne.

L’oeil qui d’abord se perdait dans un grouillement infinitésimal a bientôt reconnu deux colonnes distinctes, l’une qui se hâte vers les granges souterraines et l’autre qui part aux champs. De minuscules arrêts interrompent régulièrement la marche pressée de chaque insecte, le temps d’un mystérieux échange  avec celui qui s’avance vers lui, du même pas. Le cheminement se trouve ainsi constamment haché et dévié, sans que pour autant, vue d’en haut, la ligne noire de l’armée perde rien de sa rectitude. La charge qu’on croit énorme pour chacun, et longue jusqu’à la démesure, semble ne jamais  peser. Brandie au-dessus des têtes, elle avance continûment comme si c’était elle qui entraînait le petit grain noir.

Le passant  a  choisi l’un de ceux-ci pour la taille particulièrement remarquable de l’épillet qu’il traîne, prêt à rire des efforts qu’il devra faire au moment de se glisser dans le minuscule orifice où la foule se presse. De fait, quelques pas malhabiles trahissent un certain embarras et déjà l’on s’amuse, le temps de comprendre que c’est à reculons que l’insecte a choisi de descendre l’invisible escalier, tandis que la pointe de l’oriflamme herbacé s’agite une dernière fois à l’air libre.

Autour du gros pied de mauve qui abrite l’entrée du souterrain, le piétinement  des moissonneuses a visiblement tassé le sol, mais le long chemin qui en sort s’efface lentement à mesure qu’on s’éloigne avant de se dissoudre dans l’infinité de la prairie, comme on voit, en survolant un plateau désertique  s’effacer bientôt dans les sables environnants le fin réseau  de routes qui sort de la ville. Il ne reste qu’à choisir, laisser la pensée s’égarer en une interminable et dérisoire comparaison, ou bien, du haut du regard, admirer librement le suintement léger des légions en marche.

 

Chopin

Très, très beau début de soirée T.V.  lundi avec ces pianistes jouant Chopin et qui finissent par lui ressembler Présentation, commentaire intelligents, celui d'un pianiste.
Et  le visage blanc, parfaitement immobile,   transcendé d'Arthur Rubinstein, jouant mais dont on ne voit pas les mains. (qu'il avait, par ailleurs plutôt petites !).
Impossible de ne pas penser qu'il était  Juif et que, pour un peu il aurait fini en ce lieu dont on n'ose même plus prononcer le nom.
Une occasion enfin, même pour quelqu'un qui croyait aimer Chopin, de découvrir la profondeur, la force de sa musique. 
Vive l'année Chopin.

Tempête

Bien sûr, il faut respecter et compatir.
MAIS va-t-on pour autant exonérer de leur immense responsabilité tous ces petits maires,ces petits  potentats locaux qui, pour 3 francs 6 sous de gloire (ou d'autre chose) ont accordé des permis de construire en négligeant les recommandations des services compétents (DDE et autres associations de sauvegarde du littoral) ? A force de taper sur une Administration, qui, bien souvent le mérite, c'est vrai, on en arrive à se moquer de ceux pour qui la notion de Service public a encore un sens et qui disent ce qu'il faut, quand il faut.  Décentralisation extrême + libéralisme à tout crin = catastrophes (contribuables, à vos poches !)
 Pour ma part, je n'oublierai pas l'image de cet éleveur qui a vu ses brebis (*)se noyer et qui dit "elles me regardaient et je ne pouvais rien faire pour elles". Pour moi, c'est ça l'information. 

*je précise que l'on n'élève pas de "moutons" puisque tous les agneaux mâles vont à l'abattoir et qu'on ne garde que des femelles pour la reproduction. Un "troupeau de moutons", c'est toujours un troupeau de brebis

lundi 1 mars 2010

Esplanade

@marie montpellierdailyphoto.blogspot.com/

J'ai admiré ta photo de la petite pièce d'eau  qu'on trouve sur l'Esplanade, où vivent de nombreux canards. En pleine ville.  Je passe de longs moments à les regarder. Entre les canards  et moi, c'est une vieille histoire d'amour. pensez : un animal qui vole aussi bien (sinon mieux !) qu'il nage et qu'il marche ! Un oiseau dont le plumage est à lui seul une matière et une couleur.

Madame Badinter

J'ai lu et apprécié en son temps, XY d'Elisabeth Badinter.
La philosophe nous propose aujourd'hui une  réflexion sur la nouvelle violence qui serait faite aux femmes, notamment à travers ce discours pseudo-écologiste qui voudrait, au nom de "la nature" retrouver la vérité de l'allaitement et autres habitudes, qui ne feraient en définitive que confiner une nouvelle fois,( mais avec des arguments très "in") les femmes dans leur cuisine.
Sans doute, sont-ce là choses bonnes à dire.
J'entends cela, mais.
Mais Madame Badinter me casse les pieds. On ne peut pas, depuis une dizaine de jours, jeter (?)un oeil sur la T.V, tendre (?)une oreille vers la radio, éplucher (?)un journal sans tomber dans la soupe inlassablement répétée du propos qu'elle tient patiemment au chaud sur je ne sais quelle cuisinière médiatique. 
Madame Badinter me pardonnera. (et si elle ne pardonne pas, ça m'est parfaitement égal), mais elle devrait savoir, en tant qu'actionnaire principale de Publicis (et fille de son fondateur feu Marcel Bleustein-Blanchet), que trop de pub peut tuer la pub, tout comme la concurrence peut tuer la concurrence.
Mais... que cela ne vous empêche pas de lire son livre !