lundi 22 mars 2010

Trouver le ton

Ecrire. Les premiers mots sont tombés sur le papier. Ils sonnent juste. Il ne reste qu'à continuer. À la première relecture, pourtant, la déception s'impose. Cela ne vaut rien.Il faut recommencer. On réécrit. Le lendemain, la déception sera tout aussi forte et l'on effacera ce qu'on avait fait, , sauf la toute première phrase, "qui tient". Les réécritures vont se succéder - il faut dire que c'est toujours un moment agréable - mais le texte, tel un âne têtu (j'aime beaucoup les ânes), refuse d'avancer. Ou alors, il prend des chemins de traverse, s'égare, recule, revient, s'arrête pour grignoter quelques chardons, consent à repartir sous le coup de badine et finalement se plante sur ses quatre sabots. Franc comme un âne qui recule ! Non, je n'irai pas plus loin aujourd'hui ! M'enfin ? Tu veux encore un coup de badine sur la croix noire de ton échine ? Souviens-toi, pourtant...
Voilà une semaine, deux, que l'on a commencé ce texte ? Mais, non, c'était l'été dernier, et ça partait bien, je me souviens que tu étais plein d'entrain et plein de confiance. Je t'avais même trouvé un peu trop sûr de toi. Je t'en prie, reprenons-nous. Reprenons ce texte, dont on sait déjà qu'il sera important ans ta vie. C'est l'histoire de Jean B., ce vieux copain qui eut un destin fabuleux, parfaitement imprévisible, qui parcourut le monde sans l'avoir voulu, accumula les plus étonnants souvenirs et puis , plein d'âge et de raison, revint entre ses parents vivre le reste de son âge. Je lui avais promis de l'écrire, je crois qu'il en avait été heureux. Pauvre Jean !
Moi qui ai tellement envié la vie qu'il avait eue (ça, ce n'est peut-être qu'un mensonge, parce que sa vie fut parfois horrible), me voici incapable d'aligner cinq paragraphes convenables.
J'en aurais honte, je serais découragé, j'irais plutôt me promener, aller à la pêche et je renoncerais volontiers à un projet si ambitieux qu'il me dépasse, si...
Si je ne me souvenais de cette réflexion de Julien Gracq qui abandonna son roman La route, en cours d'écriture parce qu'il estima n'avoir jamais trouvé le ton qui lui aurait permis d'aller plus loin.
Moralité : regardons de plus près ce qu'ont fait les autres. Tout écrivain n'est -dans le meilleur des cas - que celui qui s'est trouvé des ancêtres, au besoin parmi ses contemporains.
Alors, lisons !

1 commentaire:

  1. Les auteurs à la mode (comme les tripes) ne sont plus aussi soucieux de qualité.

    As-tu un jour lu La Littérature sans estomac, de Pierre Jourde?

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